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L’impasse était perdue, presque invisible, dans un labyrinthe de petites rues, mais grâce aux indications, j’ai fini par la trouver. Quand t’arriveras dans l’impasse, n’ quitte pas ta main droite du mur, avait précisé la clocharde. Le conseil était bizarre mais pas autant que tout ce qui m’était arrivé jusqu’à présent. J’ai donc fait ce qu’elle me demandait, et tandis que je descendais l’impasse, serrant d’une main Barnabé contre ma poitrine et laissant traîner l’autre contre la pierre, j’ai soudain senti le froid d’une vitre sous mes doigts. J’ai tourné la tête, surprise : à la place du mur couvert d’affiches que je voyais encore quelques mètres plus haut, la boutique tant convoitée se dressait, semblant n’attendre que moi !

C’était un magasin aux couleurs vives avec une façade de bois peint qui sentait le neuf. L’enseigne de métal découpé qui pendait au bout de la potence portait, comme je m’y attendais, la mention L’échoppe de la Baguette Magique. Derrière la vitrine, les rayonnages croulaient sous une montagne d’accessoires de toutes tailles. La boutique semblait déserte. J’ai appuyé sur la poignée, et la porte s’est ouverte dans un grincement. Ding Dong, a fait le carillon quand je suis entrée.

L’intérieur avait tout de la caverne d’Ali Baba. Les étagères débordaient d’articles de tous styles. Il y avait des coffrets en bois, des gobelets gigognes, des cylindres dorés, des boules à facettes, des cubes de verre transparents, des marionnettes de ventriloque, des brassées de foulards multicolores, des chapeaux hauts de forme, des jeux de cartes géants, des anneaux argentés, et beaucoup, beaucoup d’autres objets de tailles variées, et qui pour la plupart m’étaient inconnus. J’ai traversé la pièce. Au fond, il y avait un large comptoir et sur le mur juste derrière, une galerie de portraits de garçons et de filles d’à peu près mon âge.

Cette galerie avait quelque chose de frappant. Sur les tableaux (des photos d’art, ou peut-être bien des peintures, je n’en savais trop rien) tous les sujets présentaient la même mine sérieuse, comme s’ils avaient conscience que quelque chose d’important était en train de se produire. L’arrière-plan était partout identique – un drap bleu nuit avec des étoiles d’or – mais les portraits semblaient avoir été faits à des époques très différentes, car les habits et les coupes de cheveux changeaient nettement d’une œuvre à l’autre. Le plus curieux, j’ai noté, c’étaient les petites plaques de cuivre fixées en bas de chaque cadre. Elles portaient toutes un nom. Si certains m’étaient inconnus, d’autres m’étaient familiers. Peut-être vous diront-ils quelque chose : David Copperfield, Robert Houdin, Derren Brown, Chris Angel... Tous des grands maîtres de l’illusion d’aujourd’hui ou d’autrefois. Se pouvait-il vraiment que ces portraits les aient représentés quand ils étaient enfants ?

Un bruit de pas m’a soudain tirée de ma réflexion et de l’arrière-boutique a surgi un vieillard à longue barbe blanche. Il avait un regard vert émeraude très lumineux : le même exactement que celui de la clocharde ! J’ai aussitôt suspecté qu’il y avait toutes les chances pour que lui et elle ne soient en fait qu’une seule et même personne. Mes doutes se sont confirmés quand je l’ai vu caler entre ses lèvres, devinez quoi : une grosse pipe de bois rouge bien sûr... Plus rien ne me semblait impossible à présent et je pressentais que dans ce magasin de magie surgi de nulle part, je n’étais pas au bout de mes surprises...

Mon visiteur affichait une expression réjouie, comme si ma visite lui faisait particulièrement plaisir.

– Te voilà enfin ! Je parie que tu ne sais pas qui je suis, a-t-il lancé en guise de salutation.

J’ai poussé un profond soupir. Fallait-il, en plus de tout le reste, que je joue maintenant à dis-moi-comment-je m’appelle avec cet étranger ?

– Vous êtes, euh... le professeur Dumbledore ? ai-je répondu histoire de dire quelque chose.

Le vieil homme a ri doucement.

– Très drôle ! Tu as le sens de l’humour. C’est important.

J’ai déposé Barnabé bien en évidence sur le comptoir puis j’ai pris une bonne inspiration :

– Écoutez, monsieur le commerçant. Ou madame la clocharde. Ou qui que vous soyez. Je ne suis pas vraiment venue pour jouer aux devinettes, mais parce que j’ai un gros problème : regardez ce qui est arrivé à mon frère.

Je me suis délestée de mon sac et j’en ai sorti le coffret de magie :

– Tout ça, c’est à cause de cette fichue boîte qui a été achetée dans votre magasin. Ne me dites surtout pas que vous n’êtes au courant de rien. Il faut absolument que vous m’aidiez.

Le vieil homme a contemplé mon frère d’un air songeur avant de se saisir de la boîte et de la ranger soigneusement dans un placard sous le comptoir. Puis il a rajusté ses lunettes rondes sur son nez en forme de croissant.

– Je vais t’aider, a-t-il dit enfin. Mais il faut d’abord que tu réussisses ma petite épreuve.

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(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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