RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

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Je l’ai secoué, m’attendant presque à faire apparaître un compartiment secret, et un genre de parchemin m’est tombé sur les genoux. Je l’ai déplié : c’était une liste détaillée du contenu de la boîte, dont voici de mémoire les premières lignes :

1– Réceptacle à transformation. Conçu pour tenir un jeu de cartes, il permettra de changer un as de trèfle en valet de carreau, mais aussi de métamorphoser une cuillère à soupe ordinaire en quelque chose de beaucoup plus surprenant, comme un vrai scorpion ou une chauve-souris vivante par exemple.

La liste présentait ainsi tous les accessoires de la boîte, mentionnant par exemple que les dés enchantés pourraient être utilisés pour changer à volonté le nombre de doigts de pied de l’un des spectateurs, ou que le pouce magique donnerait à son possesseur des doigts qui s’allongent sans aucun truquage comme du caoutchouc !

C’était un peu fort, tout de même ! Qu’est-ce qu’ils voulaient vraiment dire avec tous leurs soi-disant prodiges ? J’ai retourné le parchemin : il n’y avait rien d’écrit au dos. J’ai fouillé de nouveau l’intérieur du coffret, vérifié qu’il n’y avait rien qui ait pu tomber par terre, et j’ai dû me rendre à l’évidence : il n’y avait nulle part trace d’une notice d’explication...

J’ai ressenti alors – je l’avoue honnêtement – un choc incontestable, mélange de colère et de déception. La boîte était incomplète ! Est-ce que j’étais censée deviner toutes les routines et tous les trucs par moi-même ? C’était ridicule, ridicule et frustrant.

Que faire ? D’un côté, j’étais tentée de demander à mes parents d’aller procéder dès que possible à un échange, mais de l’autre, je sentais bien que ce modèle-ci était unique, et que je risquais de perdre gros dans la transaction.

J’hésitais, allant et venant en jetant des coups d’œil obliques aux accessoires qui semblaient me narguer sur mon lit, quand mon frère a pris la décision pour moi. Sa bille de clown a fait irruption dans l’entrebâillement de la porte. Comme d’habitude, il n’avait pas pris la peine de frapper :

– Coucou, miss Catastrophe !

Je lui ai lancé mon oreiller à la tête en guise de bienvenue, et il a disparu en claquant la porte. Après quelques instants, cette dernière s’est rouverte et Barnabé a fait une nouvelle apparition. Il a franchi allégrement le seuil, avec la volonté évidente de me casser les pieds, et s’est arrêté près de mon lit.

– T’as l’intention de provoquer un nouveau désastre ? a-t-il demandé en désignant les accessoires de magie éparpillés sur la couette.

Il se balançait d’un pied sur l’autre, serrant sous son bras un tout-terrain télécommandé tout juste déballé. Il était resté en pyjama. Avec ses chaussons fantaisie Bob l’Éponge aux pieds et son espèce de casque en plastique mou sur le crâne – celui de Buzz l’Éclair, j’ai fini par réaliser –, je lui trouvais un air franchement crétin.

Il a hésité un instant, puis a fini par lâcher :

– Tu me montres un nouveau tour ?

– Et puis quoi encore ?

La dernière chose que j’avais envie de faire, c’était bien de tester mes nouveaux accessoires devant mon frère. À la première maladresse, il allait hurler de rire, pour ne pas changer, et du reste, un bon magicien ne s’entraîne jamais devant un public.

Barnabé a fait mine de se saisir de l’un des objets, et je lui ai fichu une claque bien méritée sur la main.

– On ne touche pas.

Mon frère a juste ricané, puis il s’est installé confortablement sur ma panière à linge sale, bien décidé à s’incruster. Je n’arrivais pas à le croire. Son tout-terrain, c’était comme un fait exprès la réplique d’un véhicule de secours d’urgence. Mon frère l’a posé sur la moquette et a décrété que maintenant que j’avais une nouvelle boîte de magie, on en aurait certainement besoin sous peu. Là-dessus, il a poussé la manette de sa télécommande, et le bolide a traversé ma chambre pour aller pulvériser ma pile de CD. Un demi-tour plus tard, l’engin est revenu toutes sirènes hurlantes foncer sur mes pieds nus. J’ai fait un saut de côté mais BONG ! AÏE ! l’un de mes arpions n’a malheureusement pu éviter le crash.

En temps normal, ce genre de situation se serait invariablement terminé par des cris, des insultes et même – c’était déjà arrivé – des échanges fraternels de coups de poing dans le dos et de coups de pied dans le tibia. Cette fois-ci pourtant, parce que c’était Noël, j’ai décidé que plutôt que de m’énerver, j’allais lui donner une petite leçon :

– Bon, j’ai dit de mon ton le plus patient tout en massant mon orteil douloureux, tu veux vraiment que je te montre un de mes tours ?

Mon frère m’a regardée d’un œil mi-moqueur, mi-interrogateur. La question lui avait coupé le sifflet. Il a garé son tout-terrain de malheur dans un coin et s’est levé d’un bond :

– Tu parles sérieusement, Charlotte chérie ?

– Ben ouais.

Sur ces fortes paroles, j’ai lâché mon orteil et j’ai commencé à chercher parmi mes accessoires. J’ai fini par me décider pour un tour que je pensais connaître : le portefeuille magique. Simplement, ce portefeuille-là était manifestement en bon cuir solide et épais, et non en misérable carton bouilli comme celui qui traînait dans l’un de mes tiroirs. En le saisissant, j’ai senti une chaleur étrange envahir tout mon avant-bras, et c’est comme cela que tout a commencé.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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